Voici quelques temps, un équipementier automobile me contacte pour que j’anime une formation de base à la résolution de problèmes pour un ensemble de Responsables de Production. Je lui dis mon étonnement : des outils années 70 pour l’automobile ? Ce secteur est pourtant très en avance en matière de méthodes de travail !

Insistance de mon interlocuteur : c’est vraiment ce qu’il veut !

Les participants arrivent tous très tendus et s’assoient en posant leur téléphone portable bien en vue devant eux. A la moindre sonnerie, ils bondissent dessus pour répondre. Difficile d’animer dans ces conditions.

Les échanges sont nombreux et la séance est vraiment vivante mais peu disciplinée et avec de nombreuses conversations parasites.

Un éclat de rire général !

Quand je leur fait la remarque que faire une seule chose à la fois serait plus efficace, c’est un éclat de rire quasi général ! Ils n’en ont pas le loisir. Ici il faut tout faire tout de suite ! C’est pour ça qu’ils ont leur téléphone avec eux, qu’ils répondent à leurs mails entre 2 coups de fil et qu’ils font autre chose en m’écoutant.

C’est le mode de travail « normal » : ils passent le plus clair de leur temps en réunion et n’ont plus de temps entre 2 réunions. C’est donc là, dans les réunions, qu’ils travaillent. Que ce soit une formation ne change rien. « C’est les chefs qui nous demandent de participer à toutes ces réunions. »Proches du burn-out mais tellement d’envie de faire !

Quand ils s’expriment, leur vocabulaire abscons, fait de sigles qui se rapportent visiblement à une méthode de résolution de problème très construite, très complexe. On est dans le jargon maison.

Plus ils s’y réfèrent et plus je me demande si tout cela est employé à bon escient, en maîtrise et permet les solutions recherchées… Ils m’avouent vite que tous leurs groupes de travail tournent en rond malgré cet outil… Outil auquel certains ont été formés, un jour, dans le passé, et qu’ils ont transmis aux autres. Ils se souviennent surtout du vocabulaire associé. Le mode opératoire s’est perdu.

Tous sont insatisfaits de cette situation, tous sont dans un état de stress élevé, certains sont proches du burn out et montrant des signes importants de fatigue. Pourtant, tous montrent beaucoup d’attachement à l’entreprise et à leurs résultats.

Repartir des bases

Alors je suis on reparti des bases : une réunion c’est efficace si c’est préparé, centré sur un sujet, cadré dans le temps et quand on invite des participants qui ont envie d’y participer. Bien entendu, il ne faut pas désobéir aux ordres d’aller à un tas de réunions ! Il s’agit d’organiser leurs réunions suivants ces règles simples.

Objectif : démontrer le mouvement en marchant. Démontrer qu’il y a plus de résultats comme ça.

Il a fallu une discussion longue pour qu’ils osent. Il a fallu encore plus de temps pour les convaincre de ne pas se soumettre à la dictature du téléphone et de savoir l’éteindre pour se consacrer pleinement à une seule tâche à la fois et de traiter les messages ensuite. Sans l’aide d’un nouvel arrivant haut placé dans la hiérarchie de l’usine, je n’y serais pas arrivé.

Le sourire revient avec les résultats

Et on a enfin commencé la résolution de problème sur un cas concret : un problème qualité récurrent et qui leur valait les foudres de leur boss.

Toute une journée à plancher sur un diagramme d’Ishikawa. Après 15m de nappe en papier recouverte de l’arête de poisson et collée aux murs de la salle, ils avaient le sourire et une certitude : la situation était complexe (des causes d’erreur dans toute l’usine) mais enfin claire ! « Enfin, on a un truc concret pour travailler ! »

Revenir aux basiques était essentiel dans cette situation.

Je l’ai expérimenté tellement souvent : les méthodes simples, quand on les applique, donnent des résultats importants et des points de repères pour tous dans l’entreprise.

Soyez sur de les avoir bien exploitées avant de sauter sur le dernier outil-usine à gaz du moment !

C’est justement parce que c’est simple que nous savons nous en servir et continuer à exploiter dans le temps.

Commencer une démarche avec des outils compliqués, c’est faire le toit de la maison avant ses murs : trop tôt, équipe pas prête, qui ne sait pas encore travailler ensemble comme une équipe. La confiance n’est pas encore construite entre les membres, ils ne savent pas encore qu’ils ont de grandes capacités.

Les méthodes simples sont, à la fois, le squelette qui supporte l’ensemble et la ligne de lumière qui guide l’équipe.

Et vous, quels sont vos outils ? Comment sont-ils appliqués ? Où en êtes-vous dans la création de votre intelligence collective ?